Aline et Valcour by SADE

Aline et Valcour by SADE

Auteur:SADE
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: LE LIVRE DE POCHE classique


Suite de l'Histoire de Léonore

Dona Laurentia n'eut pas plutôt fini son récit, que Brigandos entra ; il s'informa comment nous étions, nous recommanda à la matrone, et lui laissa les fonds nécessaires pour deux habillements complets avec tous les ajustements, plumes et parures à la mode, l'un pour Clémentine, l'autre pour moi. Ensuite il ordonna à Clémentine de se transporter le lendemain chez un vieux courtisan retiré à Tolède, curieux de connaître le temps qu'il avait à vivre. Ignorant que ma compagne eût renoncé à ses projets de sagesse, il l'assura qu'elle pouvait aller, sans courir aucun risque, chez l'homme qu'il lui indiquait.

— C'est un vieux dévot plein de superstitions, lui dit-il, et qui croirait que l'enfer va le saisir tout vivant, s'il s'avisait de penser à ce qui l'échauffait autrefois. Tels sont les funestes effets de la dévotion, continua notre chef, elle remplit l'homme de trouble et de frayeur, à mesure qu'il avance à son terme ; elle aigrit son caractère, elle change son humeur, elle le rend sombre, inquiet, soucieux, tracassier, rigoriste, cruel ; elle l'empêche de jouir du présent, elle lui donne des remords du passé, et n'est bonne à rien pour l'avenir ; je me serais peut-être fait dévot comme un autre, si j'eusse cru que cela pût être bon à quelque chose ; mais on n'y prend pas une qualité de plus, et on a beaucoup de plaisirs de moins... Est-ce bien la peine de croire à des chimères, pour ne pas gagner davantage ?...

— Doucement, dis-je à notre philosophe, vous peignez là le superstitieux ; mais l'homme vraiment attaché à sa religion, qui la suit et la croit dans la simplicité de son cœur, qui adopte la vertu, parce que la religion la récompense et l'inspire, qui déteste le vice parce qu'elle le condamne et le punit, qui perpétuellement enflammé de l'Être suprême, consolé des maux de la vie par l'espoir de revoler bientôt dans le sein de celui qui l'a créé, vit en craignant de lui déplaire, meurt en tâchant de l'imiter, un tel homme sans doute ne vous paraît pas un modèle indigne à suivre ?

— Assurément, reprit notre chef; je ne méprise pas le fantôme qu'il vous plaît d'ériger là, et auquel vous ne croyez pas plus que moivy mais s'il existe, je le plains ; il a travaillé toute sa vie pour des illusions qui ne le dédommageront pas des sacrifices qu'il a pu leur faire ; il n'a d'ailleurs été vertueux que par crainte ; ce mérite est bien peu de chose, plus difficile que vous ne pensez, Léonore ; je veux qu'on fasse le bien pour lui seul ; je veux qu'on ne soit animé en le faisant que de la seule idée du bonheur des autres, et si l'enfer ou le paradis entre pour quelque chose dans les motifs qui font agir, je me dis : Voilà un imbécile, mais à coup sûr ce n'est pas un honnête homme. »

Trop de l'avis de notre chef pour le



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